jeudi 5 octobre 2017

L’interview du mois: Satwant Kaur


Enseignante et formatrice de Kundalini Yoga originaire du Canada, Satwant Kaur est aussi musicienne. Son premier album de mantras et de chants sacrés, Path of Love, vient de paraître (disponible sur satnam.eu). L’occasion de lui poser quelques questions…

Comment as-tu découvert le Kundalini Yoga?

Mon premier contact avec Yogi Bhajan était… sur une boîte de Yogi Tea. Je me souviens d’avoir dit à une amie : « Je me demande si c’est un ‘vrai’ yogi ». Eh bien, un an plus tard, j’étais assise devant lui pour méditer!

En fait, j’avais déjà pratiqué le Hatha Yoga, et je voulais continuer quand j’ai dû déménager à Vancouver pour commencer ma maîtrise universitaire. Mais il y avait tant de différents styles de yoga! J’étais un peu dépassée… J’ai laissé tomber l’idée et me suis mise à mes études. Deux ans plus tard, je traversais un moment difficile dans ma vie, et pour la première fois j’ai ‘aperçu’ un centre de yoga à deux rues de chez moi. La femme de l’accueil était chaleureuse et radieuse (et surtout : les gens qui sortaient du cours étaient habillés ‘normalement’, et pas en Lycra !) … j’ai commencé les cours sur le champ, et je me suis sentie chez moi dès le début. 

Qu’est-ce que cette pratique t’apporte et que tu veux transmettre aux autres ?

Que, d’une façon très réelle et pratique, ces enseignements sont un chemin de l’amour… d’où le titre de mon album (Path of Love: « Chemin d’Amour »). Plus je suis dans mon « Sat Nām », plus je suis dans l’espace de l’amour. Et que cela n’est pas unique à notre tradition : c’est l’essence de toute tradition spirituelle. Yogi Bhajan nous dit : « là où il y a de l’amour, il n’y a plus de question ». L’amour c’est un « savoir » au-delà du mental, de ses questions et de ses explications. Et l’expérience de cela est Wāhegurū. Plus ces enseignements atterrissent dans mon cœur, plus je reconnais que c’est très simple.


Path of Love, ton premier album de mantras et de chants sacrés, vient de paraître. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton expérience d’un tel processus de création?

Je suis très contente d’avoir attendu le bon moment – le moment où je me sentais vraiment mûre pour ce projet. Cela fait des années que les gens me demandent quand est-ce que j’allais enregistrer un album… mais il fallait que la musique, et que mon cœur, soient prêts. Le moment venu, quoique ce fût un énorme travail, très intense, il y avait en même temps un flux. Ensuite c’était une grande joie de créer avec des musiciens doués. J’ai beaucoup appris dans un temps très court ; on a fait le projet en moins de cinq mois. Maintenant, je ressens profondément que je suis au service de cette musique – les mots ne sont pas les miens, et je ne comprends pas tout à fait d’où viennent les mélodies – mais c’est au-delà de moi. Je sers la musique pour la livrer à ceux qui en ont besoin. 

Entre Orient et Occident, quelles sont tes influences musicales?

C’est surtout la musique folklorique qui me parle– peu importe les origines. La simplicité, les mélodies qui viennent du cœur et qui sont accessibles, facile à apprendre et à s’en souvenir. J’ai grandi en écoutant Pete Seeger et Woody Guthrie, qui sont parmi mes héros en musique ! Et j’ai l’influence de plusieurs artistes canadiennes : Joni Mitchell, Sarah McLachlan... 


Selon ton expérience, en quoi la musique et le chant contribuent-ils à l’expérience du Yoga?

Yogi Bhajan dit que le yoga sans mantra n’est pas le yoga. Et cela me parle beaucoup ; selon ma propre expérience, c’était le son et le mantra qui m’ont prise dès le début – qui ont bouleversé ou bien balayé tout ce que je pensais savoir (je venais de faire six ans d’études en linguistique et sciences !) et qui m’ont ouvert à mon identité réelle : Sat Nām. J’ai un mental assez actif – j’avais vraiment eu besoin de mantras pour le diriger lors de ma pratique. Et j’aime chanter. Le chant m’ouvre le cœur – et me fait me souvenir que je suis plus que mon mental. 

Au début, j’avais souvent l’expérience qu’un mantra me prenait – « habitait » mon mental – jusqu’à temps que je le connaisse par cœur et le comprenne dans mon cœur. 

C’est rare de rencontrer une Canadienne francophone qui n’est pas Québécoise ! Toulouse, Marseille, Lyon, Casablanca : tu es de plus en plus sollicitée pour intervenir en français dans le cadre de formations d’enseignants. Est-ce facile de transmettre cet enseignement en français lorsqu’on l’a reçu en anglais ?

Il y a des communautés francophones partout au Canada, pas seulement au Québec ! Et puisqu’on avait la parenté francophone (mes grands-parents maternels étaient Bretons) – ma sœur et moi avons eu la chance d’aller à une école franco-canadienne. J’ai fait toutes mes études en français – même une partie de l’université. Au Canada, c’est un grand avantage d’être bilingue – il faut l’être pour travailler pour le gouvernement, par exemple. 

J’ai un énorme respect pour tout enseignant qui enseigne dans une autre langue que l’anglais. Il y a surtout plus de préparation – faire des traductions, trouver des matériaux qui existent déjà. Je suis très reconnaissante aux générations d’enseignants qui sont venus avant nous, et qui ont fait une grande partie de ce travail. J’apprécie que le fait de traduire me fasse réfléchir profondément pour vraiment comprendre l’essence des mots de Yogi Bhajan – donc c’est un travail particulièrement gratifiant. 

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Satwant Kaur en concert à Toulouse
vendredi 20 octobre à 19h30
au centre Dharamsal
10€ - gratuit pour les enfants
info@dharamsal.fr - 06 03 60 80 83
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Quelques extraits de Path of Love:

lundi 4 septembre 2017

Face au stress, élargir son horizon avec le Kundalini Yoga


Le Kundalini Yoga reconnaît le réseau de relations complexes entre le corps et le mental. Certains systèmes physiologiques, comme le cerveau ou le système glandulaire endocrine, sont au cœur de ces relations qui marient notre physiologie et notre psychologie pour le meilleur… et pour le pire !

Ainsi, le stress est généralement défini comme un état de tension psychologique et émotionnelle qui nous fait perdre nos repères et notre ancrage en soi, générant perte de confiance, anxiété, conflits, surexcitation stérile ou apathie, et rétrécissement de notre horizon personnel.

Tout comme la philosophie antique, qui a construit le mot « angoisse » à partir d’une racine qui signifie « étroit », le Kundalini Yoga s’intéresse particulièrement à cette notion de rétrécissement du soi. En effet, lorsque nous sommes pris par le temps, mis face à des défis qui nous semblent plus grands que nos capacités, ou encore placés dans une situation dont nous ne contrôlons pas les paramètres, nous nous sentons en danger d’écrasement, d’étouffement.

Mais ce qui nous submerge à ce moment, ce ne sont pas les événements, aussi difficiles qu’ils soient : en fait, nous nous noyons dans nos propres émotions. C’est notre réaction émotionnelle, instinctive et incontrôlée, qui nous dépasse. Notre biochimie est déstabilisée, et beaucoup de notre énergie personnelle est consommée en vain par un système glandulaire qui tourne en surrégime, générant de l’excitation (pour consumer les hormones dans l’action) et de l’épuisement. D’où, à terme, une perte de vitalité (et un éventuel recours à des stimulants addictifs). Mais sans énergie désormais, comment affronter efficacement les défis qui, eux, n’ont pas évolués ? Car que l’on soit stressé ou non, une urgence professionnelle, un embouteillage au mauvais moment, un enfant malade, un vol annulé, une inondation ou une panne informatique restent ce qu’ils sont : des circonstances pénibles que notre propre stress ne contribue pas à faire évoluer favorablement, bien au contraire.

Les enseignements du Kundalini Yoga sont particulièrement pragmatiques et réalistes : on ne peut pas souvent changer les circonstances, mais on peut au moins changer la façon dont on les vit ; on peut apprendre à répondre efficacement plutôt qu’à réagir. Certes, dans la mesure où on le peut, chacun-e est invité-e à réduire les facteurs de stress de son existence. Mais la vie sera toujours riche en défis et en confrontations de tous ordres. C’est pourquoi, dans une situation ou une période de stress, l’approche du Kundalini Yoga consiste à donner de l’espace au sens du soi. Le stress submerge la conscience et en réduit le périmètre : on ne règne plus sur le vaste domaine du soi, mais sur une petite forteresse assiégée par des forces envahissantes et hostiles. Il convient donc de reconquérir ce terrain perdu (plutôt que de tenter de contrôler les circonstances auxquelles on a réagi) :
  • reprendre contact avec soi-même : les postures et les mouvements y contribuent en stimulant le système nerveux qui est le réseau de communication du corps, redonnant accès à des sensations physiques, et au ressenti-même de notre existence, dont nous sommes coupés ;
  • reprendre le contrôle du flux d’énergie, et restaurer l’équilibre émotionnel, par la respiration ;
  • réaffirmer la souveraineté du soi sur toutes les forces psychiques qui nous travaillent : c’est le rôle des mantras, et notamment du mantra Sat Nām qui invoque et affirme le Soi authentique.

À long terme, le Kundalini Yoga nous enseigne à maintenir l’intégrité de notre domaine psychique, quelles que soient les circonstances. De sorte que nous ne soyons pas réduits à un petit îlot de conscience submergé par une vague de réaction au stress, mais plutôt que nous soyons toujours plus grands que notre stress : un vaste champ de conscience qui contient et régule tout ce qui se manifeste en son sein.

Et puis de cette façon, nous nous garantissons aussi un plein accès à notre richesse personnelle. La vitalité, l’intuition et la clarté d’esprit, les forces de l’âme et les vertus spirituelles, la créativité, le sens de l‘écoute et de la communication : autant de ressources qui, elles, peuvent nous aider à répondre efficacement aux circonstances, et même les faire évoluer.

jeudi 11 mai 2017

« Pousse la pierre ! »


Voici une petite histoire sur le chemin de l'éveil...

Un maître yogi reçut un jour la visite d’un homme qui le supplia de l’accepter comme disciple. 

« Bien, dit le maître, tu m’as l’air motivé, en effet. Commençons dès maintenant ton apprentissage. » Il désigna un rocher au fond de la cour : « Pousse cette pierre! Ce sera là ta sādhanā. » 

L’homme s’y attela de suite; la pierre ne bougea pas. Il  passa le plus clair du lendemain, ainsi que les jours suivants, à pousser la pierre de toutes les façons possibles; la pierre ne bougea pas.

Après quarante jours d’effort intense, il alla trouver son maître: « Swami ji, dit-il d’un air abattu, la pierre n’a pas bougé d’un pouce depuis mon arrivée. Je ne peux que constater mon échec, et je demande humblement la permission de prendre congé de toi: je te déshonore en étant un si piètre disciple! »

Le maître rit: « Allons bon, de quoi parles-tu? Tu t’en sors très bien! J’ai dit « pousse la pierre », pas « déplace la pierre » ! »

Il en va de même du Kundalini Yoga : on n’y cherche pas à accomplir une performance ou à réussir quoique ce soit, et atteindre la posture parfaite n’est pas un objectif en soi. L’important demeure l’engagement, la sincérité et la persévérance que l’on met au service de son propre soi, quelque soit le résultat. La pierre ne bouge peut-être pas, mais notre effort nous transforme, et c’est là tout ce qui compte.

Mundavani Kriya: méditation pour éliminer les obstacles

 « Lorsque votre travail n’a pas d’effet, lorsque vous êtes bloqués, chantez ce mantra. Alors non seulement les choses bougeront, mais elles bougeront vers l’Infini. C’est un levier ; de tous les mantras, c’est le plus puissant des leviers. » Yogi Bhajan
Voici une méditation très spéciale, particulièrement sophistiquée. Yogi Bhajan l’a enseignée pour que nous connaissions notre cœur, pour que nous en cultivions les qualités et pour qu’il soit à l’origine de nos actions. Nous avons besoin de la clarté du cœur pour marcher sur le chemin de l’esprit et nous accomplir dans l’expérience humaine. Chacun-e de nous aspire à l’Infini. Et il faut donner toute sa place à ce désir profond, afin qu’avec la force de notre système nerveux et l’intensité de l’esprit, on parvienne à traverser les obstacles qui se présentent sur le chemin.

Ce mudra et ce mantra ainsi combinés dans cette méditation génèrent un état de calme intérieur. On devient réceptif au chemin de notre destinée, et l’on apprend à percevoir et à reconnaître la réalité à partir du cœur et non de l’intellect. On y invite l’Infini pour qu’il nous guider à chaque instant. On apprend à agir à partir du cœur, avec engagement et courage.

Pratiquer Mundavani Kriya

Assis en posture confortable, les jambes croisées, le dos droit et le menton légèrement rentré pour aligner la nuque. 

Levez les mains au niveau de la gorge, les bras parallèles au sol, les paumes vers le bas, la main droite sur la main gauche. Tendez le pouce gauche vers la gorge, et placez le pouce droit au milieu de la paume gauche. Pincez fermement la paume gauche entre le pouce et la paume droite, et maintenez la pression au centre de la paume gauche : c’est là la clé de cette méditation. Maintenez ce mudra au niveau de la gorge, à une vingtaine de centimètres du corps, et ne bougez pas. Fermez les yeux.

Dans cette posture, chantez le mantra:

ād sach jugād sach
hē bhe sach nānak hosī bhe sach

Chantez tout le mantra sur une expiration, sans reprendre votre souffle, sur un ton monocorde, pendant 31 minutes

Le mudra

Le mudra de cette méditation presse le centre de la paume. Dans le système ayurvédique des points marma, ce point est appelé Tala Hridaya, « le Cœur dans la Paume ». On le stimule pour développer la sensitivité du cœur et en stabiliser la conscience bousculée par les mouvements émotionnels intérieurs et extérieurs. C’est pourquoi on parle de Tala Hridaya comme du « protecteur du Cœur. » Quant au pouce gauche, il est tendu vers la gorge, ce qui nous rend réceptif au pouvoir projectif de chaque mot, de chaque syllabe et de la vibration sonore. Maintenir le mudra au niveau de la gorge et garder les bras parallèles au sol encouragent également à soulever légèrement la poitrine et le cœur.

Le mantra

Baba Sri Chand ji
Ce mantra est très proche du mangal charan du Mul Mantra de Gurū Nānak: ād sach jugād sach, hē bhī sach nānak hosī bhī sach. Mais au lieu de bhī, on chante bhe (avec un son é court et fermé, qui tire vers le i) ; en voici la raison :

Lors de la composition du chant Sukhmanī Sāhib entre 1602 et 1603, Gurū Arjan, 5e Gurū des Sikhs, s’interrompit à la fin de la 16e partie. Il s’adressa à Baba Sri Chand, maitre yogi et fils de Gurū Nānak, lui demandant quelle devrait être la suite. Baba Sri Chand suggéra au Gurū de se référer à la bānī de son père, avec cette légère variation, pour que le reste de l’œuvre se déploie d’elle-même.

C’est ainsi que ces deux lignes commencent le 17e passage de ce superbe poème mystique qu’est Sukhmanī Sāhib. On l’utilise depuis lors en tant que mantra pour débloquer toute situation figée, en permettant à ce qui veut être, et qui existe déjà en essence, de se déployer.


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